Introduction

Un sentiment venu d'ailleurs.

Infos : NOUVEAU CHAPITRE !!!

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1

Le vrai amour existe, mais il est difficile à trouver. Il faut donc être patient. Telle était la pensée de Elizabeth. Depuis toujours elle rêvait d’être aimée. Qu’importe si on disait d’elle qu’elle était trop fleur bleue ou trop inconsciente. Elle en rêvait. Elle savait qu’un jour elle montrerait à tout le monde qu’elle avait eu raison de croire en lui, qu’il existe. Elle saurait se montrer patiente.
Sa sœur Louise disait d’elle qu’elle n’était pas ouverte aux propositions qui se présentaient à elle, en amitié comme en amour. Elizabeth se moquait de ce que pouvait dire sa cadette. Elle ne voulait pas être forcée d’apprécier quelqu’un juste pour être avec cette personne, même s’il la trouvait à son goût. Tout cela était insensé. Louise charmait les jeunes hommes grâce à son physique. Elle faisait plus âgée que son âge contrairement à sa sœur aînée.
Mais cela ne dérangeait nullement Elizabeth. Elle ne voulait pas plaire grâce à son physique. Mais par sa gentillesse, sa tendresse, sa courtoisie. Elle préférait avoir des amies sincères que des connaissances qui pouvaient la trahir un jour ou l’autre.
Louise trouvait l’idée d’attendre l’amour de sa vie absurde. « Lizzie ! Tu es jeune ! Autant profiter de sa vie quand nous sommes jeunes. Amuse-toi ! Sors ! Va danser ! Rencontre des gens ! Je ne sais pas moi. Décoince-toi. Tant que la vie nous sourit, nous pouvons faire ce que nous voulons. »
Bien entendu, Elizabeth pensait la même chose, mais ses jeux étaient tout autre. Elle pouvait faire ce qu’elle souhaitait sans mettre son honneur en danger. Elle rigolait autant que sa sœur, mais différemment.
Depuis toute petite, elles étaient différentes. Leurs quatre ans de différence ne gênaient nullement leur entente mais leur vision de la vie était opposée. Elizabeth préférait rester au calme, Louise devait constamment faire quelque chose. Elle ne savait pas tenir en place. Quand l’une voulait rester chez elle à lire un roman, l’autre voulait aller en ville. Déjà la première était brune aux yeux marrons, la dernière rousse aux yeux bleus; De plus, elle était grande contrairement à son aînée. Quand Louise entrait dans une pièce bondée de monde, tous les regards se posaient sur elle et on oubliait sa sœur. Mais cela ne gênait en rien Elizabeth. Elle aimait sa sœur, elle était fière d’elle, même si parfois elle désapprouvait ses attitudes. C’est normal. Elle voulait la protéger.
Louise ne pensait qu’aux garçons. Elizabeth ne savait plus à combien était estimé le nombre des garçons qu’elle avait séduit. Elle ne les comptait plus. Louise les séduisait seulement. Elle était bien trop jeune pour aller jusqu’au bout des choses. Elizabeth aussi pensait à la gente masculine, mais jamais elle n‘eut été avec un. Elle était bien trop réservée. Pourtant deux garçons furent séduits par elle, mais sans aller plus loin. Elizabeth attendait le grand amour, et ils n’étaient pas dignes d’elle. Elle refusa leurs propositions et ne le dit pas à sa sœur. Elle ne comprendrait pas.

Elizabeth avait des amies. Durant la période scolaire, elle ne les voyait que le week-end. Durant ce court laps de temps, elles pouvaient s’exprimer sur de nombreux sujets, comme les amours des unes et les loisirs des autres. Mais la semaine, elle se retrouvait seule, et si une nouvelle lui arrivait, elle devait attendre de revoir ses amies pour en discuter. Ce n’était pas la peine de se confier à sa sœur car Louise n’était capable que de parler d’elle. Elizabeth se sentait comme un intrus dans sa famille. Alors elle partait dans ses rêveries dès qu’elle pouvait. Elle aimait cela.
- A quoi penses-tu ?
Elizabeth sortit de son rêve.
- A rien.
- Dis ! Tu rêvais de Victor ? Tu penses encore à lui ?
Elizabeth eut la mauvais idée un jour de lui raconter qu’elle trouva du charme à un garçon de son école. Cela faisait au moins quatre ans qu’elle ne l’avait plus revu. Elle l’avait oublié facilement contrairement à sa sœur.
- Louise. C’est du passé. Je ne l’ai jamais aimé !
- Et alors ? Qui parle d’amour ici ? Tu peux penser à lui sans l’aimer. Le plaisir des yeux est important tu sais.
- Oui, mais il n’a aucun intérêt. Il est trop fuguasse. Je veux un plaisir qui dure à vie.
- Tu finiras alors vieille fille.
Elizabeth n’aimait pas quand sa sœur lui disait ça.
- Au moins je ne souffrirais pas à cause d’une rupture.
- Ça c’est certain.
Louise sortit de la pièce en chantonnant.
Elizabeth savait que sa vie était monotone. Depuis qu’elles avaient déménagé, c’était de pire en pire. Elle devait rencontrer du monde. Mais surtout elle devait tout faire pour que son grand rêve se réalise.
- Ce n’est pas en restant chez toi que tu trouveras l’amour, se dit-elle.
Elle sortit à son tour de la pièce.

2

Elle n’était allée que rarement en ville depuis leur emménagement. Seulement pour les grandes occasions. Elle n’avait pas peur de la foule. Elle ne voyait seulement pas l’intérêt de s’exhiber.
Elle en avait pourtant envie aujourd’hui. Le temps était à son avantage, les rues abondantes et le cœur à la fête. L’été était arrivé. Les enfants sentaient les vacances arriver. La ville entière rayonnait. Elizabeth sourit en voyant les habitants préparer la fête de l’été. La place était décorée chaque année pour l’occasion. Les jeunes filles mettaient leurs plus belles tenues pour se faire inviter à danser. Rose se moquait de cette fête contrairement à Louise.
Elle était arrivée devant son magasin préféré : La librairie.
- Elizabeth, comment allez-vous aujourd’hui ? demanda Mr Aubert quand Elizabeth franchit le seuil du magasin.
- Bonjour monsieur. Je suis d’humeur guillerette.
- Vraiment ? Comment se fait-il ?
- J’ai décidé de prendre ma vie en main et…
Soudain, un jeune homme sortit de l’arrière boutique avec un tas de livre entre les mains.
- Oh, je ne vous ai pas présenté mon neveu, Connor O’Donaill. Son père est irlandais.
- D’où son nom peu commun, sourit Elizabeth.
Elle tourna les yeux vers lui et remarqua qu’il la regardait. Elle baissa la tête et rougit.
- Vous voulez savoir quels livres sont sortis je suppose.
- Oui s’il vous plait.
Elle sentait le regard de Connor posé sur elle et cela devenait de plus en plus gênant.
- Attendez moi ici. Je vais vous chercher cela dans l’arrière boutique.
- Bien.
Elle tourna la tête vers Connor en attendant. Il la regardait toujours tout en rangeant les livres. Elle lui sourit mais n’en reçu aucun en retour. Il lui tourna le dos en guise de réponse. Cela perturba Elizabeth. Mr Aubert revint avec deux romans.
- Voici des romans qui devraient vous plaire. Tenez.
- Merci.
Rose lut l’interface. Ils parlaient d’amour. Même si elle voulait le rencontrer, elle ne voulait pas en entendre parler.
- Je suis désolée Mr Aubert. Je n’ai pas très envie d’entendre parler de grandes histoires d’amour en ce moment.
- Chagrin d’amour ?
- Non. Il faut seulement que j’arrête de rêver. Il faut que j’aie plus les pieds sur terre. Le grand amour n’existe peut-être pas.
- Elizabeth ! Je ne vous reconnais plus.
Elle rigola.
- N’ayez pas peur monsieur. Je suis toujours la même. Je reviendrais dans peu de temps voir si vous en avez reçus d’autres.
Elle commença à partir vers la sortie quand Mr Aubert l’interpella.
- Mademoiselle, comptez-vous aller à la fête ?
- Je n’ai malheureusement pas de cavalier.
- Connor peut vous accompagner.
- Mon Oncle ! exclama son neveu.
Elizabeth le regarda. Son visage exprimait la colère.
- Je ne veux pas le déranger, proposa Elizabeth blessée.
- Il vous accompagnera. Je veux qu’il rencontre du monde.
Elizabeth sourit poliment contrairement à son futur cavalier qui n’osait la regarder.
- Très bien. Nous nous verrons à la fête alors.
Elizabeth sortit du magasin en pensant que la fête sera mémorable niveau ennui. Connor avait l’air si agacé par le comportement de son oncle et par sa présence. Et son geste après qu’elle lui ait sourit l’indigna tellement, qu’elle commença à le mépriser, sans le connaître pourtant. Elle tourna au coin de la rue quand elle décida de s’acheter la plus robe qu’elle n’ai jamais porté.

Le soir, Louise faisait admirer ses cheveux. Elle abordait une nouvelle coupe qui lui allait à ravir. Elle dit aussi qu’elle avait rencontré le fils du chocolatier et qu’il lui avait demandé d’être sa cavalière pour la fête. Elle avait accepté avec grand plaisir.
- Et toi Elizabeth ? As-tu un cavalier ? demanda son père.
- Oui.
Louise, stupéfaite de la réponse de sa sœur, s’arrêta de dandiner et la fixa.
- Qui est-ce ?
- Le neveu du libraire. Il est irlandais et peu bavard.
- Comment s’appelle-t’il ?
- Connor O’Donaill.
- Est-il beau garçon ?
- Louise, arrêtez avec vos questions, intervint son père.
Elizabeth rigola.
- Louise. Tu ne cesseras donc jamais à penser au physique.
- Oui. C’est le plus important.
Elizabeth sourit et déclara.
- C’est sûr à ton âge, on ne voit que la beauté extérieure. Tu oublies que plus tard, la beauté extérieure flétrie tandis que la beauté intérieure ne flétrit jamais. C’est le plus important.
- Dans ce cas, il vaut mieux avoir les deux, conclut Louise.
Les Seuret finirent de manger et montèrent se coucher. Louise alla directement dans la chambre de sa sœur.
- Que fais-tu dans ma chambre ? Sors d’ici.
- Je cherche des boucles d’oreilles, répondit Louise tout en fouillant dans les tiroirs.
- Tu en as déjà des tonnes.
- Tu peux m’en prêter, non ?!
- La dernière fois que je l’ai fait, tu m’as perdu une boucle.
Louise ouvrit l’armoire et tomba sur la robe qu’avait achetée sa sœur.
- Lizzie ! Elle est magnifique !
- Ne la touche pas s’il te plait.
Mais c’était trop tard. Louise l’avait prise pour se regarder avec dans le miroir.
- Elle me va bien.
- Repose la s’il te plait. Je l’ai payé assez chère.
- Je pourrais la porter ?
Elizabeth resta interloquée par la demande de sa sœur.
- Quoi ?
- Je pourrais la porter ?
- Non ! s’exclama Elizabeth. Je l’ai acheté pour moi !
- Tu n’aimes pas les fêtes d’habitude. Tu peux faire un effort pour me la prêter.
Elizabeth arracha sa robe des mains de sa sœur pour la remettre dans l’armoire.
- Je te ferais dire que j’ai un cavalier donc, que je vais à cette fête. Et je n’ai aucun effort à faire.
- Très bien, si tu ne veux pas, je n’insiste pas.
Louise sortit de la chambre de sa sœur en traînant des pieds. Son attitude exaspérait sa sœur. Elizabeth reprit sa robe et s’examina avec devant la glace. Elle s’imaginait à la fête en train de danser avec un bel homme, si charmant, qu’elle pourrait en tomber amoureuse dès la première danse. Mais elle ne se voyait nullement avec Connor O’machin. Son image l’irrita davantage. Le fait qu’il n’avait pas rendu ce sourire l’avait vexé. Malheureusement, elle devra le supporter tout au long de la soirée.

3

Le surlendemain Elizabeth reçut une lettre d’une de ses amies. Francesca Voccelli la connaissait depuis 3 ans mais elles étaient devenues amies dès le premier jour. Elles s’étaient rencontrées à l’école. Francesca était la correspondante d’une ancienne amie de Elizabeth. Après une violente dispute avec cette dernière, Francesca retourna dans sa famille mais continua d’écrire à Elizabeth. Elle trouvait en elle une confidente et cela lui faisait du bien. C’est elle qui fit le premier pas vers Elizabeth, puis elles apprirent à se connaître et leur amitié grandit au fil du temps. Tout comme Elizabeth, Francesca attendait le grand amour et se désolait de voir toutes les filles de son âge être avec des jeunes hommes. Elizabeth essayait de lui comprendre qu’il ne fallait se désespérer mais rien n’y faisait. Francesca voulait être un homme à son tour. Elizabeth lui proposa de passer les grandes vacances chez elle et la napolitaine accepta cette proposition. La lettre que reçut Elizabeth était la date à laquelle Francesca allait arriver. Ce fut le jour même. La réponse avait dû être égaré en cours de route pour arriver si tard au domaine des Seuret.
- Francesca arrive aujourd’hui ? demanda Louise perplexe à sa sœur.
- Oui, bien sûr ! Tu n’as pas lu la lettre ?
- Si, mais je trouve cela bizarre qu’elle arrive si tôt.
- Elle n’arrive pas si tôt ! La lettre s’est égarée, c’est tout.
- J’en suis sûre que tu l’as fait exprès pour énerver tout le monde.
- Ne dis pas de sottises et range ta chambre. Je vais mettre la plupart de mes affaires dans la tienne.
Louise regarda sa sœur avec un air outré.
- Qu’est-ce qu’il y a encore ? soupira Elizabeth exaspérée de l’attitude de sa sœur.
- Tu ne vas quand même pas mettre tout ton bazar dans ma chambre ?
- Mon bazar, comme tu dis, est toutes les choses que tu m’as données car tu n’en voulais plus. Je te le redonne tout simplement. Francesca doit dormir quelque part et ce n’est pas sur ton bazar qu’elle dormira.
Louise fusilla Elizabeth du regard et se réfugia dans sa chambre. Elizabeth dût ranger la pièce sans son aide. Elle retrouva parmi les objets encombrants de sa sœur son journal intime. Louise le lui avait volé. Furieuse, elle se précipita vers la chambre de sa sœur pour l’accabler de tous les maux de la terre.
Au moment, d‘empoigner la poignée, Mme Seuret interpella sa fille en lui disant qu’une voiture était devant la porte d’entrée. Elizabeth descendit l’escalier en vitesse pour venir accueillir son amie. Francesca était restée la même. Ses longs cheveux bruns retombaient sur ses épaules, ses yeux pétillants lui faisaient un visage ravissant.
- Francesca ! Quel plaisir de te revoir ! Tu m’as tellement manqué.
Toutes deux se serrèrent dans les bras.
- Mais nous ne t’attendions pas si tôt, déclara Louise qui venait d’arriver.
Elizabeth lui fit signe de se taire.
- Pourtant je l’avais écrit dans ma lettre. Vous ne l’avez pas reçu ?
- Si, mais elle a dû s’égarer en cours de route. Du moins, c’est ce que présume Elizabeth.
- Louise !
Mr Seuret n’intervenait presque jamais quand Louise faisait des siennes, mais aujourd’hui était un autre jour. Ils avaient un invité.
- Va finir de ranger ta chambre et après tu pourras reprocher à ta sœur ce que bon te semble.
Louise fit demi-tour en ronchonnant.
Après avoir saluée toute la famille Seuret, Francesca et Elizabeth allèrent se promener pour se raconter les dernières nouvelles.
- Elizabeth. Je désespère cruellement. Je vois des couples partout et je me dis que je ne serais jamais comme eux.
Elizabeth rit des soi-disant ennuis de son amie.
- Francesca. Dis toi que peut-être à la fin de tes études tu rencontreras le grand amour en la personne d’un jeune professeur.
- C’est dans longtemps ! Tu ne t’en rends pas compte !
- Un professeur avec des lunettes !
- Non ! Arrête ! Je n’aime les hommes à lunettes.
Toutes deux s’esclaffèrent de leurs sottises.
- Mais tu as peut-être raison. Un professeur. Ça serait bien. Un homme cultivé, donc charmant.
- Tous les hommes cultivés ne sont pas forcément charmants.
- Mais lui le sera. Ou alors un parent d’élève.
- Il devra être veuf alors.
- Alors non. Je ne veux pas qu’il pense à son premier amour. Je veux être la seule à le faire soupirer. Donc, il me faut un professeur.
- Imagine, tu le rencontres le jour de l’entretien avec le proviseur. Et là, coup de foudre, mais c’est lui qui obtient le poste. Que fais-tu ?
- Je me languis de nouveau sur mon sort.
De nouveau, elles eurent un fou rire.
Elizabeth porta la conversation sur un autre sujet : la soirée.
- Mon cavalier est désagréable. De plus il s’appelle Connor.
- Un bourge ?
- Non. Je ne pense pas. Son oncle est libraire.
- A-t’il un autre neveu pour moi ? plaisanta Francesca.
- Non. Je suis désolée. Mais je veux bien te passer mon cavalier.
- Oh ! Non merci. Sans façon.
- Il peut très bien devenir professeur tu sais.
Et toutes deux retournèrent à la propriété en se taquinant.

4

La soirée eut lieu en fin de semaine. Elizabeth décida d’accompagner son amie en ville afin qu’elle choisisse une robe. Après avoir fait les boutiques, elles allèrent à la librairie afin que Francesca puisse apercevoir le fameux irlandais.
- Mr Aubert ? Vous êtes là ?
Le magasin sembla vide.
- Il y a quelqu’un ?
- Connor ? appela Francesca.
Elizabeth la poussa du coude en guise de reproche. Elles entendirent soudainement du bruit. Connor sortit de l’arrière boutique avec, cette fois-ci, aucun livre dans ses mains. Il se posta au comptoir sans saluer les clientes.
- Il a l’air charmant dis donc, murmurant Francesca en plaisantant.
Elizabeth pouffa de rire et s’avança vers lui en souriant.
- Bonjour.
Elle attendait une réponse mais ce fut le silence total. Elle regarda son amie l’air confuse puis continua :
- Est-ce votre oncle est là ?
- Non. Il s’est absenté.
Elizabeth fut soulagée. Il avait une langue et il la comprenait.
- Bien. Quand est-ce pourrais-je le voir ?
- Dès demain.
- Très bien.
Tous deux restèrent silencieux quelques instants. Connor la fixait et cela la perturbait. Elle aurait voulu que Francesca lui vienne en aide mais celle-ci était partie regarder des livres concernant l’enseignement.
- Bon… je vais revenir demain alors.
- Comme vous voudrez.
Elizabeth sourit poliment, le salua et quitta le magasin en compagnie de son amie. Quelques rues plus loin, Francesca déclara qu’elle n’avait jamais vu d’homme aussi hautain de toute sa vie. Elle comprenait ce que pouvait ressentir son amie à propos de la soirée.
- Cela va être d’un ennui. J’espère pouvoir m’en débarrasser un moment.
- Si ce n’est lui d’abord.
- Que veux-tu dire par là ?
- Tu n’as pas vu comment il te répondait ? Comme s’il avait hâte que tu partes.
- Donc, il voudra sûrement se débarrasser de moi.
Elizabeth venait de réaliser que son amie avait raison.
- Il ne se débarrassera pas de moi comme ça. On se déplait l’un à l’autre mais ce n’est pas lui qui aura le dernier mot.
- Elizabeth, c’est ridicule. Laisse-le se débarrasser de toi en premier. Il apparaîtra comme un goujat ensuite.
- Non. Je ne me laisserai pas humilier de la sorte. Fais moi confiance.
Elizabeth n’aimait pas l‘humiliation et cela à cause d‘événements qui s’étaient déroulés durant son enfance. Des camarades d’école, dont un dénommé Jonathan Betain faisait parti, s’étaient moqués cruellement d’elle. Elle avait une anomalie sur son visage, qui était partie à l’adolescence. Mais Elizabeth avait beaucoup souffert de ses remarques désobligeantes. Elles restaient encore dans son cœur à son plus regret. Elle s’était promise qu’aucune autre personne ne pourra l’humilier comme Jonathan l’avait fait. Elle avait tenu sa promesse jusqu’ici. Connor n’en n’échappera pas.
- S’il veut me ridiculiser en public, je ne le laisserais pas agir. Crois-moi.
- Je sais Elizabeth. Je voulais juste te mettre en garde tu sais.
- Et tu as bien fait.

Le jour de la soirée, un ami de Elizabeth vint la voir. Il se prénommait Isaac Hankel. Ses grands-parents étaient morts durant la seconde guerre mondiale mais son père avait survécu grâce à l’aide des grands-parents des filles Seuret. Depuis leur plus tendre enfance, Isaac et Elizabeth étaient amis. Mais il vivait sa vie comme bon lui semblait, et s’en tenir garde des conseils que Elizabeth lui donnait. Cela agaçait fortement la jeune fille et souvent, ils se disputaient. Mais leur amitié était toujours présente malgré l’impertinence d’Isaac. En solitaire endurci, il avait oublié la soirée donc d‘avoir une cavalière. C’est dans ce but qu’il vint à Garance, la demeure des Seuret. Malheureusement, Elizabeth lui dit qu’elle était déjà prise mais que son amie, Francesca, ne l’était pas. Il accepta sans discuter puis s’en alla.
- Elizabeth ! Comment as-tu pu ? Ce n’est pas en lui que je vais trouver mon bonheur.
- Vous étiez tous les deux sans compagnon.
- Mais… Francesca baissa le ton de sa voix. Je ne pourrais le satisfaire.
- Et alors ? Ce n’est qu’une soirée. Après cela, vous vous occuperez chacun à vos propres distractions.
Francesca fit la moue et Elizabeth continua de lire son roman. Louise arriva dans la pièce en compagnie d’un jeune homme.
- Je vous présente mon cavalier, Brice Descamps.
Elizabeth trouvait, encore une fois, que sa sœur n’avait aucun goût. Même en question des garçons, leurs goûts étaient différents. Louise préférait les blonds avec une musculaire herculéenne, tandis que Elizabeth préférait les bruns. Pourtant, si l’homme en question lui paraissait aimable, elle pouvait le trouver à son goût, quelque soit sa couleur de cheveux. Mais ici, Brice avait l’air niais. Il souriait constamment et ses muscles le faisaient ressembler à un bouledogue. Elizabeth eut envie de rire mais elle savait que cela aurait vexé sa sœur. Elle préféra se retenir.
- Ses parents sont chocolatiers. Brice m’a promis de m’emmener dans les réserves afin que je puisse déguster quelques recettes dont il a le secret.
Elizabeth crut comprendre autre chose et rougit.
- Pourrais-je aussi goûter à ces chocolats secrets ? demanda Francesca l‘air innocent.
Brice baissa la tête et ne répondit pas. Louise éclata alors de rire.
- Je ne pense pas.
Puis elle tourna la tête vers sa sœur et lui demanda à quelle heure les cavaliers devaient venir les chercher.
- Je pense à 19h30.
- Donc 19h pour toi. Tu seras peut-être prête à l’heure.
Elizabeth avait l’habitude d’être souvent en retard dans ses rendez-vous et sa sœur le savait.
- Merci de cette remarque Louise. Brice, je ne vous sers rien. Comme a si bien sous-entendu ma chère sœur, je dois aller me préparer pour être prête à temps. On se revoit ce soir.
- A ce soir.
Pendant qu’elle et Francesca montèrent les escaliers, Elizabeth imita Brice et ses muscles.
- « Il me fera déguster des recettes dont il a le secret. » Je connais très bien ses recettes secrètes, et elles ne sont pas à base de chocolat.
- Tu crois qu’elle ne parlait pas de ça ?
- Je connais ma sœur. Elle aime le chocolat, mais elle aime plus les jeunes hommes aux muscles saillants. Je ne pense pas qu’ils feront du chocolat chaud dans leur réserve.
- J’aurais tant aimé qu’elle m’apprenne la recette, sortit Francesca peinée.
Elles allèrent toutes deux se préparer chacune de leur côté. Louise entra brusquement dans la chambre de sa sœur.
- Tu aurais pu te montrer plus aimable avec Brice. C’est un homme charmant.
- C’est un homme musclé plutôt. C’est pour cela que tu le trouves charmant.
Louise croisa les bras pour montrer son mécontentement.
- Il n’y a pas que les muscles dans la vie. Tu sais qu’il a aussi un cerveau ?
Elizabeth se retourna et sourit l’air étonné.
- Tiens donc. Tu viens de comprendre cela ? Qu’il n’y a pas que les muscles dans la vie ? Tu as enfin réalisé qu’on peut aimer quelqu’un grâce à sa culture, son intelligence, sa bonté.
Louise ne répondit rien et baissa les yeux.
- En fait… Je ne le connais que depuis quelques jours, donc je ne sais pas vraiment comment il est. Mais tu as vu ses yeux ? Et sa bouche ? Oh ! Tu as vu ses bras ?
Elizabeth sourit. Elle connaissait trop bien sa sœur et lui dit. Louise lui confessa qu’elle avait raison mais que cela ne la gênait en rien.
- Tant que j’ai un cavalier, cela me convient. Au fait, tu en as trouvé un ?
- Je t’ai déjà répondu Louise. Tu ne m’écoutes jamais.
- Ah ! Oui. Un islandais c’est ça.
- Irlandais.
- Irlandais oui. Il est comment ?
- Peu bavard.
- Vous allez bien ensemble alors, plaisanta Louise. Mais je voulais dire physiquement.
- Ah. Ben…
A vrai dire, Elizabeth ne l’avait pas vraiment regardé. Le fait qu’il s’était montré méprisant avec elle l’avait rendu aveugle à ses yeux.
- Je ne sais pas. Je ne l’ai pas bien regardé.
- Comment ? Louise était stupéfaite de la réponse de sa sœur. Jamais je n’aurais accepté d’être la cavalière d’une personne qui ne me plait pas !
- Il ne plait pas. Mais cela n’est pas par rapport à son physique. Tu connais la mentalité Louise ?
- Oui, mais le physique est important aussi Elizabeth. Tu me choques !
- Et bien, va dans ta chambre te préparer pour oublier ce que tu viens d’entendre, répondit Elizabeth exaspérée.
Louise fit le tour de la chambre et se laissa tomber sur le lit.
- Je ne peux pas. Francesca se prépare. A cause de toi, je ne vais pas être présentable pour Brice. Oh Brice ! Il a un si beau sourire. Et ses oreilles me donnent envie de les croquer.
- Louise ! Va-t’en !

Le soir, Isaac fût le premier à arriver, suivi de Brice. Louise était furieuse qu’il soit arrivé si tôt car elle n’avait pas eu le temps de se parfumer. Connor, quant à lui, était en retard.
- Tu veux qu’on attende avec toi ?
- Non, partez devant. J’espère qu’il ne va pas tarder, ou qu’il va venir.
- On peut rester si tu veux.
- Filez ! Je vous rejoins plus tard.
Les deux couples partirent en laissant Elizabeth seule devant le perron.
Une demi-heure s’était écoulée quand Elizabeth vit une ombre marchait lentement vers elle. Elle alla à sa rencontre énervée.
- Te voilà enfin ! Tu es en retard !
- Je ne savais pas où vous habitiez.
Elizabeth prit conscience qu’elle n’avait pas donnée l’itinéraire de sa maison à Mr Aubert. Elle rougit honteuse.
- C’est vrai.
Connor la regardait comme à son habitude, avec mépris. La colère de Elizabeth augmenta.
- Ne me regarde pas comme ça !
- Vous me tutoyez et je n’aime pas ça.
Elizabeth le regarde interloquée.
- Je vous vouvoies alors, mon cher, répondit elle en faisant la révérence.
- Non, ça ira. Je préfère tutoyer le premier.
Elizabeth ne répondit rien. Ce fut le silence pendant un moment.
- Nous devrions y aller avant qu’il ne soit trop tard, proposa Connor.
- Oui, Monsieur.
- Tu peux arrêter cela s’il te plait. Je n’aime guère ce genre d’humour.
- Comme vous voudrez.
- Tu peux me tutoyer maintenant.
Elizabeth s’arrêta et le fusilla du regard.
- Tu n’as pas à me dire ce que je dois faire ou non. Tu ne me connais pas.
- Tu ne me connais pas non plus.
- Bien.
- Bien.
Et tous deux marchèrent de nouveau en direction de la soirée sans parler.

5

Elizabeth montrait à tout son entourage qu’elle attendait le grand amour et qu’il n’était pas encore arrivé. Mais dans sa tête, elle l’avait trouvé. Elle se disait que son grand amour était Adam Laffret. Elle l’avait connu le premier week-end de son arrivée à Garance. Mais elle ne l’avait pas remarqué la première fois. Ce ne fût que deux ans après qu’il apparut à ses yeux. Elle lui avait pourtant parlé bien souvent avant mais sans faire attention à lui. Quand elle réalisa à combien il était parfait à ses yeux, elle ne pensa plus qu’à lui. « Adam Laffret. L’homme de ma vie », se disait t’elle. Il la faisait rire pour un rien, elle le trouvait intelligent, gentil, drôle, charmant. L’homme parfait. Elle se voyait mariée, avoir des disputes, avoir des enfants, mais surtout, elle se voyait avec lui. Malgré cela, elle se disait qu’elle n’avait aucune chance. Comment un tel homme pourrait-il la voir ?
Adam était à la soirée. Il ne lui avait pas proposé d’être son cavalier. Cela avait beaucoup peiné Elizabeth, même si elle s’en était doutée. Il avait proposé à sa cousine par alliance, Dounia Bascard. Bien qu’elle était blonde et très grande, sa famille venait d’une île du pacifique. Après le décès de son père, sa mère immigra dans le pacifique et rencontra l’oncle d’Adam. Ils se marièrent et c’est comme cela que Dounia et Adam furent cousins. Elizabeth et Dounia devinrent vraiment amies seulement un an après leur rencontre. Elizabeth était mal à l’aise devant elle au début. Dounia plaisait à tout le monde et parlait avec aisance. Durant un week-end à la montagne, Elizabeth apprit à connaître Dounia. Elle vit qu’elle était humble et qu’elle avait un grand cœur. Elle n’était pas du tout la fille qu’elle montrait. Elizabeth appréciait ses qualités et très vite, elles se partagèrent leurs secrets. Quand Elizabeth découvrit qu’elle aimait Adam, Dounia fut l’une des premières à l’apprendre. Elle lui donnait des nouvelles de son cousin quand Elizabeth ne le voyait pas et elle l’invitait chez elle afin qu’elle puisse le voir.
- Elizabeth ! Comment vas-tu depuis la dernière fois ?
- Ben…
Elizabeth aimait attendre avant de dire sa réponse. Ceci était sa petite fantaisie, et n’amusait qu’elle.
- Bien ! répondit-elle avec un grand sourire.
- Qui est-ce ? demanda Dounia en regardant le cavalier de son amie.
- Connor O’Donaill. Enchanté.
Dounia le regarda interloquée et Elizabeth lui fit signe de ne pas lui prêter d’attention.
- Adam est là ?
- Oui, il est avec ton meilleur ami.
- Oh non. Il est là aussi ? soupira d’ennui Elizabeth.
- Qui est là ? demanda Connor.
- Quelqu’un que je n’apprécie guère.
- Je vois que tu n’apprécies que peu de monde, rétorqua l’irlandais.
Dounia, stupéfaite de l’audace de ce dernier, resta bouche bée.
- Et ben, tu as de la répartie je vois.
Connor la regarda. Elizabeth lui conseilla, blasée du comportement de son cavalier, de ne le tutoyer que si c’est lui qui la tutoies en premier.
- Ceci ne s’employait qu’à toi. Dounia peut me tutoyer tant qu’elle le souhaite.
Ce fut trop. Elizabeth lâcha son cavalier pour aller rejoindre Francesca et Isaac.
- Vous êtes là. Je vous cherchais partout.
- Connor est alors venu je vois.
- Oui, et j’aurais préféré qu’il se perde en chemin, répondit Rose furieuse.
- Qu’est-ce qu’il t’a fait encore ?
Elle leur raconta l’impolitesse qu’il avait eu et promit de ne plus lui adresser la parole. Malheureusement, il l’avait retrouvé et lui demanda de danser avec. Elle accepta pour ne pas rester au bord de la piste. Sa main dans son dos ne lui procurait aucun plaisir, bien au contraire. Son autre main était moite et son eau de Cologne lui donnait des hauts le cœur. Tout ce que Elizabeth souhaitait était que cette danse finisse le plus vite possible afin de se débarrasser de lui. La musique semblait durer une éternité. Elizabeth tourna sa tête et vit Adam en compagnie de Dounia. Tous deux riaient. Ils étaient tellement complices. Elizabeth aurait aimée être à la place de son amie, être aussi complice avec lui mais elle savait qu’elle ne devait pas trop espérer cela.
- A quoi penses-tu ?
L’accent irlandais de Connor la fit sortir de ses pensées. Elle le fusilla du regard et se remit à regarder Adam.
- Je t’ai posé une question.
- Je n’ai pas envie de te répondre.
Soudain Connor arrêta de danser et sortit de la piste en laissant Elizabeth seule. Elle ne pouvait le croire. Il avait osé. Il l’avait laissé toute seule au milieu de tout le monde. Sa promesse concernant l’humiliation en public venait d’être brisée. Choquée, elle sortit de la salle en retenant ses larmes. Une fois dehors, sa colère éclata en sanglots. Elle pensait que tout le monde avait vu la scène et elle ne pouvait accepter de revenir dans la salle. Quelques minutes plus tard, une personne sortit à son tour. Elle sécha ses larmes au cas où. Elle avait bien fait puisque cette personne était Adam.
- Que fais-tu dehors ? Tu ne veux pas danser ?
Les yeux de Elizabeth s’illuminèrent et un sourire apparut à ses lèvres.
- Je n’ai plus de cavalier. Il m’a lâchement abandonné.
- J’ai vu. Sur la piste de danse, c’est ça ?
Elizabeth baissa la tête honteuse. Adam avait vu toute la scène. C’en était trop.
- Oui.
- Tu veux que je danse avec toi maintenant ?
Le cœur de Elizabeth ne fit qu’un tour. Elle s’essuya les yeux, défroissa sa robe et releva sa tête puis sourit.
- Si tu veux. Mais Dounia ?
- Elle parle avec d’autres personnes.
- D’accord. Allons-y alors.
Adam lui tendit son bras et tous deux entrèrent dans la salle. Elizabeth ne savait plus où elle se trouvait tellement qu’elle était heureuse. Ils entrèrent sur la piste. Adam mit une main dans le dos de Elizabeth et au moment de lui prendre l‘autre main, la musique s’arrêta. Le groupe allait faire une pause.
- Noooooooon ! cria au fond d’elle Elizabeth.
Adam la lâcha et lui sourit.
- Peut-être tout à l’heure.
Puis il partit en direction de son frère. Elizabeth le regarda partir avec dépit. Son moment parfait ne s’était pas réalisé. Elle partit à son tour rejoindre ses amis.
- Connor n’est pas avec toi ?
- Ne me parlez pas de lui. Ce n’est qu’un rustre. Il m’a abandonné sur la piste de danse. Adam a tout vu !
- Tu as failli danser avec lui, la taquina Isaac.
- Oui !
Elizabeth eut un grand sourire et soupira.
- Adam. Lui, c’est un gentleman.
Elle soupira de nouveau.
- Tu crois qu’il va danser de nouveau avec toi ?
- Je l’espère, répondit Elizabeth en regardant son prince charmant.

6

Quelques jours plus tard, Elizabeth et Francesca se remémorèrent la soirée.
- Oh ! Et Louise qui a cassé son talon en dansant. C’était à mourir de rire.
- Surtout quand Brice a voulu qu’elle danse le rock n’ roll avec lui. Là, c’était à mourir de rire.
Francesca s’arrêta et sourit.
- Le slow avec l’ami d’Adam était si romantique.
- Je préfère que tu oublies ça tout de suite. Il ne sera jamais à toi.
- Laisse moi rêver s’il te plait !
- Non. Sinon ça se finira en cauchemar.
Elizabeth se leva et regarda dehors puis soupira. Connor était resté sans même daigner danser avec elle tout au long de la soirée. Par contre, il n’avait pas arrêté de la regarder et Elizabeth avait trouvé cela désinvolte de sa part.
- Ce Connor ! Je ne veux plus le voir.
- Hélas, tu seras bien obligée un jour ou l’autre.
- Je ferais tout pour que ce jour arrive le plus tard possible.
Louise entra dans la pièce pour demander de la colle pour son talon. Elizabeth lui conseilla de lui laisser sa chaussure. Francesca et elle iront en ville ce qui leur permettra de faire une promenade.
Une fois Louise sortit, Francesca demanda à son amie si cela ne l’avait pas dérangé qu’Adam ne lui ai plus proposé de danser.
- Si cela m’a pas dérangé ?! s’exclama Elizabeth en s’asseyant. J’étais anéantie. Après m’avoir vu pleurer toutes les larmes de mon corps dehors, il ne m’a plus regardé de toute la soirée. Il était bien trop préoccupé à rire avec sa cousine.
- Comment se fait-il que tu l’aimes encore ? Tu ne lui parles même pas.
Elizabeth raconta à son amie toutes les petites choses qui font de lui un gentleman et c’est seulement pour cela qu’elle aime.
- Certes, il est très beau. As-tu vu son nez quand il rigole ? demanda Elizabeth en rougissant. C’est si mignon.
Elle s’arrêta un moment puis se leva.
- Je suis ridicule ! Croire qu’il s’intéressera à moi un jour.
- On ne sait jamais.
- Mais Francesca ! Nous ne sommes pas dans un roman où tout se finit bien. La vraie vie ne se passe pas comme ça. Personne n’est parfait.
Francesca se leva à son tour et conseilla à son amie de se ressaisir.
- Je ne t’ai jamais vu dans un tel état. Pourquoi es-tu comme ça ?
- Connor m’a humilié devant tout le monde. Adam ne me regarde pas. Et comme une imbécile, je crois au grand amour. Elizabeth se laissa tomber dans son fauteuil et continua : C’est Louise qui a raison. Je vais finir vielle fille
- On sera deux alors, mais je ne le veux pas. Et toi non plus.
- Si tu le dis.

L’après-midi, les deux amies allèrent en ville porter au cordonnier la chaussure de Louise. En chemin, elles croisèrent Jeanne Phodert, une jeune femme de l’âge de Elizabeth qui aimait s’amuser. Sa vie était la capitale. Elle ne pouvait se passer d’elle. Pourtant l’été, elle se trouvait « prisonnière de la campagne ». C’était ses propres termes. Alors tous les soirs, elle allait en ville afin de retrouver les joies de la capitale. Elizabeth pensait qu’elle et Louise pourraient devenir de grandes amies si Jeanne habitait près d’elles. Mais c’était plutôt avec Elizabeth que Jeanne conversait. Elle aimait son humour et ses fantaisies. Elles s’écrivaient presque tous les jours pour avoir des nouvelles. Malgré leur forte amitié, elles s‘étaient disputaient bien maintes fois à travers leurs écrits et il leur arrivait de ne plus se parler pendant des mois. Toutes deux étaient fortement têtues et avaient un point de vue sur la société différent. Jeanne était issue d’une famille aisée mais cela ne l’avait avili. Elle aimait bien entendu les belles choses mais elle ne trouvait pas cela indispensable.
- Elizabeth ! Francesca. Quelle plaisir de vous voir !
Jeanne n’appréciait pas trop les amis de Elizabeth, surtout Isaac avec qui elle avait eut quelques différents. Mais quand elle les voyait, elle se montrait polie.
- Bonjour Jeanne. Comment vas-tu depuis la dernière fois ?
- Oh ! A merveille ! Mes parents sont partis chez des amis. Ils ne sont pas là pendant une semaine au moins. Donc tout va bien.
Elizabeth sourit. Elle savait combien les parents de Jeanne pouvaient souvent rendre leur fille nerveuse. Sa sœur faisait de brillantes études., ce qui enchantaient leurs parents. Jeanne se mettait beaucoup de pression afin de ressembler à sa sœur et de ne pas décevoir ses parents. Donc durant leurs voyages sans leurs filles, Jeanne se délassait.
- Je comprend.
Francesca prit la parole. Elle demanda si elle était allée à la soirée.
- Bien entendu voyons ! Pas vous ?
- Tu y étais ? Nous ne t’avons pas vu.
- Pourtant j’étais bien présente. Ma sœur m’a coltiné un sombre crétin.
- Toi aussi !
- Oh oui ! On aurait dit qu’il avait appris par cœur un livre s’intitulant : « Comment plaire aux filles ? ». Horrible !
Elizabeth rigola car elle savait que son amie n’aimait pas les jeunes hommes trop attentionnés, trop doux. Ils l'horripilaient.
- Un moment, il m’a sorti cette phrase clichée ! « Ton père a volé toutes les étoiles de l’univers pour les mettre dans tes yeux ». J’ai cru que mon dernier instant allait venir.
- Mais c’est joli je trouve, déclara Francesca.
Elizabeth et Jeanne la regardèrent interloquées.
- Francesca. Cette phrase est stupide. Tout le monde la connaît.
- Moi je l’aime bien.
Puis elle partit vers la ville sans attendre son amie.
- Je te rejoins tout de suite Francesca ! lui cria Elizabeth.
- Elle ne m’aime pas trop, non ?
- Elle ne te connaît pas. C’est pour ça.
- Tu l’aimes bien ?
Elizabeth pensa alors : « Ça y est. Ça commence ! »
- Bien entendu ! Sinon je ne l’aurais jamais invité.
- Tu la préfères à moi ?
C’était ce genre de question qui exaspérait Elizabeth.
- J’en préfère aucune. Vous êtes toutes les deux différentes.
- Mais elle sait plein de secrets que je ne sais pas ?
- Non, je ne pense pas.
Jeanne regarda son amie comme si elle essayait de lire dans ses pensées.
- Bien. Je vois.
- Jeanne, tu m’excuseras mais je dois partir. J’ai cette chaussure à remettre au cordonnier.
Celle-ci la salua et l’invita en même temps à venir passer un après-midi chez elle, avec Francesca bien entendu. Elizabeth approuva la demande, l’en remercia puis partit en courant afin de rattraper l’italienne.
- Elle n’a pas trop été pénible, demanda cette dernière.
- Non. C’est Jeanne. Je l’aime bien, malgré son caractère.

Arrivées en ville, elles allèrent directement chez le cordonnier pour remettre la chaussure de Louise, puis elles décidèrent d’aller boire quelque chose. Elles entrèrent dans le café et tombèrent nez à nez avec Adam et son ami. Elizabeth rougit en le voyant. Tous se saluèrent.
- Comment vas-tu depuis la soirée ? demanda Adam aimablement.
- Mieux, répondit Elizabeth d’un ton strict. Merci.
Elle avait mal digéré le fait qu’il n’est plus dansé avec elle par la suite. Tous les quatre restèrent au milieu de la salle sans parler. Ce fut l’ami d’Adam qui interrompit le silence.
- Voulez-vous boire quelque chose ?
Francesca accepta la demande tandis que Elizabeth la refusa. Elles se regardèrent étonnées. Francesca supplia son amie du regard. Elizabeth ne put qu’accepter la proposition. Elle ne supportait pas Bruno, l’ami d’Adam. Elle trouvait qu’il voulait trop attirer l’attention sur lui, qu’il avait un humour inconvenant, et qu’il manquait de tact envers autrui. Elle pensait cela puisque plusieurs fois, Bruno avait manqué énormément de tact envers elle, et il l’avait blessé. Mais il ne faisait pas souvent cela méchamment mais innocemment. Certains pourraient voir dans cette innocence quelque chose d’enfantin donc de charmant, mais Elizabeth voyait cela comme un manque d’intelligence. Elle pensait qu’il pourrait quand même réfléchir avant de parler. Il n’était plus un enfant.
Adam commanda les boissons. Contrairement à son ami, Adam savait se taire. Il était plus mature que son âge. S’il n’appréciait pas quelqu’un, il le regardait d’une autre manière mais ne faisait aucune réflexion devant la personne. Elizabeth avait peur quelque fois que Bruno ne change Adam, ne le transforme en un autre Bruno. Mais quand elle voyait que c’était lui qui calmait son ami, ça la rassurait. Adam était quelqu’un de bon et d’agréable. Ils discutèrent pendant une heure autour d’un verre. Du moins, Bruno avait discuté avec Francesca pendant une heure. Adam et Elizabeth leur répondaient de temps en temps tout en s’échangeant quelques coups d’œil. Chaque fois qu’Adam la regardait, Elizabeth ne savait plus où se mettre. Afin qu’il ne puisse pas voir qu’elle souriait à cause de lui, elle faisait semblant de rire aux plaisanteries de Bruno. Après avoir fait le tour des sujets, les deux amis s’en allèrent, laissant les deux jeunes filles la tête dans les étoiles.
- Oh Bruno ! Qu’est-ce qu’il est drôle !
- Je ne trouve pas.
- Mais tu rigolais pourtant ?
Elizabeth lui expliqua la cause et Francesca fit la moue.
- Tu ne l’aimes pas. Pourtant il est si charmant !
Soudain, Elizabeth sentit quelqu’un s’asseoir à côté d’elle. Elle se retourna et vit Connor.
- Alors comme ça, on rigole bien.
Elizabeth se trouva déconcertée.
- Que fais-tu là ?
- Je bois une pinte de Guinness. Je n’ai pas le droit ?
Rose ne savait pas quoi répondre.
- Mon pays me manque un peu je dois dire. Surtout les jolies filles.
Là, c’en était trop. Elizabeth se leva, prit ses affaires et partit vers la sortie suivie de Francesca. Elle entendit rire Connor au moment où elle ouvrit la porte du café. Elle se retourna pour le fusiller du regard. Connor lui souriait en levant son verre. Elizabeth n’avait qu’une envie : lui renverser sa Guinness sur sa tête. Mais elle n’aurait jamais osé. Elle sortit sans rien dire.

7

Le soir, Elizabeth pensait à Connor. Elle se demandait pourquoi il agissait ainsi. Elle ne savait pas ce qu’elle avait fait pour qu’il la déteste. Elle n’aimait pas qu’une personne puisse la haïr au point d’être désagréable. Surtout quand elle n’avait rien fait. C’était le comble. Elle ne faisait que penser à cette journée à table, au fait qu’elle ait vu Adam, qu’il se soit assis à côté d’elle, qu’il l’ait regardé. Elle rougissait encore en y repensant. Lucie parlait de sa journée. Elle avait vu ses amis et Brice. Tout le monde la regardait énumérer tout ce qu’elle avait fait. Cela permettait à Elizabeth de pouvoir s’échapper dans ses pensées sans que personne s’en aperçoive. Adam. Connor. Les deux étaient présents dans sa tête. Pourquoi Connor la regardait-elle ? Par mépris ? Et pourquoi Adam ne lui parlait pas ? Par timidité ? Tant de question et si peu de réponse.
- Elizabeth ! Voyons ! Réponds à ta sœur ?
- Hein ?
- T’es allée donner ma chaussure ?
- Oui. Tu pourras la récupérer en fin de semaine.
- Non. Je ne pourrais pas.
- Pourquoi ? demanda Elizabeth en soupirant.
- Je vais faire du canoë avec des amis.
- Louise a prévu cela aujourd’hui, sans même nous prévenir, déclara leur père.
- J’ai 16ans. Je peux faire ce que je veux. Je n’ai plus cours.
Elizabeth en avait assez de l’attitude de sa sœur mais elle ne pourrait rien lui dire. Louise avait « toujours raison » selon elle.
- Jeune fille, nous allons en discuter tout à l’heure. Pour l’instant, ton père et moi n‘avons rien décidé.
Louise souffla et regarda son assiette tout en triturant ses petits pois.
- Louise. Tes coudes. Et ne souffle pas !
Elle murmura quelque chose d’inaudible.
- Ne marmonne pas.
- Je ne marmonne pas.
- Si. Qu’est-ce que tu viens de dire ? demanda sa mère.
- Rien.
- Dis ce que tu as dit sinon tu vas dans ta chambre.
C’est alors que Louise leva sa tête, fusilla sa mère du regard et partit dans sa chambre en courant. Mme Seuret fût choquée de l’attitude de sa fille. Elle pria à Mr Seuret d’aller punir Louise sur le champ mais il ne le fit pas tout de suite. Il disait qu’elle allait bien finir par se calmer. Mais Mme Seuret était tellement en colère qu’il fût contré d’aller voir sa fille. Elizabeth n’en revenait pas que son père obéisse à ce point à sa mère. Elle espérait ne pas ressembler à ses parents plus tard. Elle ne voulait pas avoir leur vie.
Francesca fût tellement gênée de la scène qu’elle demanda à Mme Seuret de se retirer. Elle accepta. Elizabeth l’accompagna. En passant près de la chambre de sa sœur, elle entendit son père dire à sa fille que leur mère avait un sale caractère, qu’on devait faire ce qu’elle voulait tout de suite, sans discuter, mais qu’au fond d’elle, c’était la créature la plus merveilleuse qu’il puisse exister. Elizabeth pensa : « Au plus profond d’elle alors » puis entra dans sa chambre en compagnie de Francesca. Celle-ci se jeta sur son lit et soupira.
- Quelle journée, dit-elle. Éprouvante.
Elizabeth ouvrit la fenêtre, regarda les étoiles puis sourit.
- Oui. Mais agréable à un moment.
- Oh oui !!
Quand elle était plus jeune, Elizabeth avait un télescope. C’était son père qui avait fait qu’elle s’intéresse à l’univers. Malheureusement, Louise avait joué avec un jour et le cassa.
- Tu sais qu’on peut acheter une étoile.
- C’est vrai ?
- Oui. Tu l’achètes et tu la nommes.
- Tu la nommerais comment toi ? Adam ?
Elizabeth rigola.
- Non. Quand même pas. Non. Je la nommerais : Caritas patiens est.
- Ça veut dire quoi ?
- Tu vas trouver ça bête mais bon… Ça signifie « L’amour est patient » en latin.
- Toi et l’amour. Tu ne penses qu’à ça vraiment ! déclara Francesca en se mettant sur le dos.
Elizabeth regarda son amie puis de nouveau les étoiles.
- Oui, murmura-t’elle.
Soudain, elle entendit du bruit.
- Qu’est-ce que c’est ?
Elizabeth fit signe à Francesca de se taire. Elle se pencha par la fenêtre et vit sous un arbre. Elle tourna la tête vers la fenêtre de la chambre de sa soeur. Louise était en train d’escalader le mur pour aller rejoindre son copain.
- Louise ! Remonte ! ordonna Elizabeth sans hurler pour ne pas prévenir ses parents.
Mais c’était trop tard. Louise avait rejoint Brice et salua sa sœur de son bras. Elizabeth referma violemment sa fenêtre de colère.
- Quelle petite… !
Elle se retint de dire la suite mais elle n’en passait pas moins. La crise d’adolescence de sa sœur n’était malheureusement pas terminée. Elle avait parfois peur que quelque chose lui arrive à cause de ses bêtises, même si Louise savait se défendre.
- Des fois, j’aurais aimé être fille unique.
- Et moi avoir des soeurs, répondit Francesca en allant dans la salle de bain.
- On échange ? plaisanta Elizabeth.

Le lendemain matin, Francesca dormait encore quand Elizabeth se réveilla. Celle-ci quitta sa chambre et entrouvrit la porte de celle de sa soeur. Louise était bien rentrée. Elle referma doucement la porte puis descendit les escaliers pour aller dans la cuisine. Personne n’était encore réveillée. Elle regarda l’horloge qui lui indiquait 7h du matin. Elle prépara le petit déjeuner, s’habilla confortablement et décida d’aller faire un tour. Ce n’était pas à son habitude de se lever tôt, au contraire. Mais elle avait tellement de pensées dans sa tête ces temps-ci. Près du ruisseau, elle croisa Dounia. Elles discutèrent un moment mais Elizabeth vit que son amie n’était pas comme d’habitude avec elle. Dounia cachait quelque chose mais ne dit rien. Elle annonça à Elizabeth qu’Adam allait partir une semaine en vacances dans sa famille du côté de son père. Elizabeth savait que chaque année il partait voir sa famille, mais elle ne pensait pas qu’il partirait si tôt cet été.
Dounia demanda étrangement si elle l’aimait toujours.
- Oui. Pourquoi ? questionna Elizabeth interloquée.
- Oh. Comme ça. Je dois partir.
Dounia se leva et partit en vitesse. Elizabeth trouvait son amie de plus en plus bizarre. Déjà à la soirée, elle n’avait pas cessé d’être avec Adam et avait peu parlé à Elizabeth, contrairement à son habitude. Mais celle-ci s’était dit que c’était normal. Ils sont comme frère et sœur. Toujours à avoir des plaisanteries en commun, dont personne ne comprenait le sens. On aurait dit qu’ils le faisaient exprès. Bien qu’ils faisaient partis de la même famille, ils n’avaient pas le même sang. Elizabeth voyait leur complicité d’un mauvais œil mais elle avait confiance en son amie.
De retour chez elle, Elizabeth trouva un mot sur la table. Sa mère entra alors dans la cuisine.
- Tu as reçu ça tout à l’heure. C’est de Mr Aubert on dirait.
- Il a reçu des romans pour moi. J’irais le voir tout à l’heure.
- Tu ne rentreras pas trop tard. On mange chez des amis ce soir.
- Mais Francesca…
- Ils le savent. Ne t’en fais pas.
Elizabeth monta dans sa chambre se préparer. Elle croisa Louise sur le chemin qui lui fit signe de ne pas parler. Elle venait de se réveiller. Elle entra dans sa chambre et vit Francesca se coiffer.
- J’ai envie que mes cheveux soient raides. J’en ai marre des boucles.
- Ne dis pas ça. C’est joli.
Elizabeth choisit ses vêtements et se précipita vers la salle de bain pour s’habiller, mais, comme chaque matin, Louise s’y trouvait. Cela allait prendre une heure. Elizabeth abdiqua.

8

Isaac vint en début d’après-midi à Garance. Elizabeth lui demanda s’il voulait bien aller en ville avec elle. Francesca, ayant mal à la tête, préférait se reposer. Il accepta et tout deux partirent. En chemin, ils se racontèrent les derniers potins et s’amusèrent à imiter certaines personnalités de la ville.
- Pour te montrer à quel point ma vie est pathétique, je crois même que je plais au poissonnier !
Isaac éclata de rire.
- Tu vas finir avec lui ! A vendre des poissons sur la place ! « Qui veut du poisson ! Il est frais mon poisson ! », plaisanta son ami.
- Arrête ! C’est horrible !
- Et le soir, tu rentreras chez toi en puant la morue.
Il éclata de nouveau de rire.
- Et ton mari t’attendra avec un verre de la bière à la main. Il dira : « Alors ma sirène ! La pêche a été bonne ».
Elizabeth gémissait. Elle trouvait parfois l’humour d’Isaac de mauvais goût.
- Ohlàlà. Qu’est-ce que je peux être bête parfois, avoua-t’il enfin tout en continuant à rire.
Il y eut un moment de silence puis la conversation repartit de plus belle.
- Et ton cavalier alors ? Il s’appelle comment déjà.
- Connor.
- Connor, c’est ça. Tu l’as revu ?
- Malheureusement… oui.
Elle lui raconta l’histoire du café et combien il l’avait énervé.
- Dès que je l’ai vu, je me suis dit : « Hum… lui. Il n’a pas l’air net. », confessa Isaac.
- Arrête. Tu l’as seulement vu de loin. Il n’est même pas venu te saluer.
- C’est bien ce que je dis. Il nous a vu et n’a rien fait. Francesca m’a raconté ce qu’il s’est passé dans la librairie.
Il marqua une pause puis continua en disant qu’il l’aimait bien. Elizabeth sourit.
- Enfin ! Ce n’est pas trop tôt ! Tu vas vouloir être avec elle alors ?
- Oh ! exclama Isaac. Tu me connais ! Solitaire comme je suis, je ne préfère pas.
Au moment d’entrer dans la ville, Elizabeth s’arrêta net. Isaac la regarda étonné puis demanda :
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Je ne veux pas voir Connor. J’en ai marre de ses remarques, de ses regards hautains, de ses petits rictus. Il m’insupporte. Je ne veux pas le voir tu m’entends !
Elizabeth devenait hystérique. Rien que l’idée de voir son visage, d’entendre sa voix, de sentir son regard posé sur elle la brassait. Depuis qu’il était entré dans sa vie, elle se sentait mal.
- T’es obligée d’aller à la librairie ?
- Oui ! Je dois acheter un roman pour l’anniversaire de Jeanne.
Elle se tint le ventre et annonça qu’elle avait envie de vomir. Isaac trouva cela assez répugnant mais proposa de l’accompagner si elle le souhaitait.
- Non. Il va sortir une remarque stupide du genre : « T’es venue avec ton garde du corps cette fois-ci ».
- Viens. Je t’accompagne.
Ils avancèrent doucement vers la librairie. Elizabeth vit Connor par la vitrine et eut des nausées.
- Je ne peux pas. Désolée.
Elle rebroussa chemin quand Isaac la prit et la poussa dans le magasin. Connor la vit. Il eut d’abord un sourire puis aussitôt, l’air renfrogné.
- Tiens ! Tu as emmené ton garde du corps aujourd’hui ?
Elizabeth regarde Isaac et fit la moue pour le supplier de s’en aller. Mais il ne céda pas et alla regarder quelques bouquins. Forcée, Elizabeth se présenta au comptoir.
- Je suis venue chercher les romans que j’avais commandé.
Elle avait décidé de rester polie même s’il la provoquait. Elle avait vu juste. Connor ne fit rien mais la regarda, comme à son habitude. Elizabeth soupira et évita son regard. Ils restèrent tous les deux sans rien faire pendant un instant, mais d’exaspération, elle interrompit son supplice.
- T’as vraiment un problème toi ! Qu’est-ce que je t’ai fait…
Mr Aubert sortit de l’arrière boutique à ce moment-là.
- Elizabeth ? C’est toi qui parles de cette façon ?
Il semblait choqué. Elizabeth ne sut quoi répondre. Elle ne pouvait quand même pas accuser son neveu. Il ne lui avait rien dit. Soudain, quelque chose d’inattendu se produit.
- Mon oncle. Tout est de ma faute.
Elizabeth ne put le croire. Elle le regarda ébahie puis se tourna vers Isaac. Il était dans le même état qu’elle.
- Quoi ? chuchota-t’elle alors.
- Je l’ai provoqué. Elle n’a fait que se défendre. C’est tout.
Elizabeth n’arriva pas à en croire ses oreilles. Connor O’Donaill, ce personnage hautain, méprisant, calculateur, venait s’accuser de son comportement. Son oncle le regarda désappointé.
- Jeune homme, retournez dans l’arrière boutique. Nous allons avoir une sérieuse discussion.
Connor jeta un dernier regard à Elizabeth et obéit à Mr Aubert sans discuter.
- Je suis navré, s’excusa ce dernier, après que Connor ait fermé la porte. Depuis la séparation de ses parents, il vit une période très mal. Son père m’a demandé si je pouvais le garder un moment pendant que tout se passe. Il n’était pas comme cela avant. Connor a toujours été un garçon attentionné, calme, aimable et respectueux.
- Il a bien changé, répondit Elizabeth.
- Oui. Ne vous inquiétez pas. Il est comme ça avec tout le monde. Même avec moi. Avant, il me parlait sans problème. Mais maintenant… je ne peux rien lui dire. Il s‘énerve pour un rien.
Mr Aubert marqua un silence. Il baissa la tête et continua :
- Je ne sais plus quoi faire.
Elizabeth remarqua alors combien son libraire avait si vieux. Cela lui fit de la peine et sa colère envers Connor augmenta.
- Je ne peux pas vous aider Monsieur. Je suis désolée de vous dire, mais votre neveu a été énormément désagréable avec moi. Je n’ai pas envie de faire quelque chose pour lui.
Mr Aubert fixa alors Elizabeth puis sourit.
- Ce n’est pas à vous de l’aider. Il doit s’en sortir tout seul. Il doit surpasser tous ses problèmes.
Puis il retourna dans l’arrière boutique. La porte resta entrouverte, Elizabeth put apercevoir Connor assis sur les escaliers. Elle espérait qu’il n’est rien entendu. Mr Aubert revint avec ses romans. Elizabeth les paya puis partit avec Isaac.
- Connor était à côté de la porte.
- Tu crois qu’il a tout entendu ?
- Je n’en sais rien.
- Et s’il l’avait entendu ?
- Il saura alors que je ne l’aime pas.
Isaac eut un léger sourire puis il changea de conversation en disant qu’il avait trouvé un livre concernant l’Allemagne.

9

Elizabeth n’avait pas cessé de se remémorer les paroles de Mr Aubert. Le divorce de ses parents excuserait-il le comportement de son neveu ?
- Ce n’est pas une raison.
Elle parlait quelques fois toute seule.
- Je ne lui ai rien fait !
Elle alla vers la fenêtre et regarda le champ en face d‘elle.
- Du moins… je pense.
Francesca entra dans la chambre en faisant une grimace.
- C’est aujourd’hui.
- Oui.
- Je vais m’ennuyer.
- Non. Ne t’inquiète pas.
- Mais Jeanne ne m’aime pas. Ça se voit quand elle me regarde. Son sourire est forcé.
- Ne dis pas de sottises. Elle ne te connaît pas. Je te l’ai dit.
- Elle n’a pas essayé.
- Toi non plus je te ferais dire.
- Si !
- Quand ?
- Ben…
- Tu vois. Jamais.
Francesca alla se mettre de la crème sur ses joues tandis quElizabeth emballa les cadeaux.
- Je lui ai commandé un livre. Enfin… non. C’est un auteur qui a rassemblé tous les exemplaires d’un journal.
- C’est lequel ?
- « Les News de Poupou ». Je ne sais pas si tu connais.
- Non. Jamais entendu parler.
- C’est peu connu, mais l’humour est excellent. Je te le conseille.
Louise ouvrit la porte en grand et cria :
- Ce soir les filles… fiieeeeeeesta !! Youhou !!
Puis referma la porte. Francesca et Elizabeth se regardèrent et éclatèrent de rire. Louise allait de son côté à une fête, tandis que les deux amies étaient invitées à l’anniversaire de Jeanne.

Sur la route, Francesca essaya de se défiler plusieurs fois, sans succès. Arrivée devant la maison de la reine de la soirée, Elizabeth fut époustouflée comme à chaque fois. Sa maison, si l’on pouvait l’appeler comme ça, datait du 18ème siècle. Rien qu’en la voyant, on pouvait ressentir toute son histoire et retourner dans le passé. Jeanne apparut sur le perron et vint les voir.
- Vous êtes enfin arrivées !
- Nous ne sommes pas trop en avance ?
- Non. Ça va. Vous êtes juste les dernières.
Elizabeth regarda Francesca d’un air ennuyé puis suivit Jeanne jusqu’à la salle à manger. Tous étaient là donc Paul Rauche, l’homme amoureux secrètement de Jeanne. Du moins, ça le fut à un moment. A force d‘attente, l’amour s’était envolé et Paul changea. Jeanne le remarqua enfin et l’apprécia. Amicalement du moins. Elizabeth aimait bien Paul. Ils parlaient souvent ensemble. Ils se montraient sincères. Paul lui demandait des conseils, lui racontait ses histoires concernant les filles, ainsi de suite. Au début, Jeanne vit d’un mauvais œil que ses deux amis se parlent, puis elle finit par l’accepter. Elizabeth avança vers lui et le salua :
- Bonjour Screu.
- Bonjour Eubs.
Elizabeth présenta Francesca à Paul et Paul à Francesca. Ils discutèrent un instant ensemble. Elle lui demanda si son histoire avec sa voisine avançait à grand pas mais il lui annonça que son cousin le rendait jaloux. Chaque fois qu’il venait chez Paul, c’était plutôt pour voir sa voisine et non lui.
- Sympa ton cousin dis donc.
- Mais depuis ce baiser et cette gifle, je m’abstiens de faire avancer les choses. Une gifle m’a suffit. Je ne reste que son ami.
- Ton cousin n’a pas à en profiter. Il sait que tu tiens à elle.
- Oui, bien sûr. Et dès que je les vois ensemble, quelque chose se passe au fond de moi. Je ne sais pas si je suis jaloux amoureusement ou amicalement. Je ne veux seulement pas qu’il s’approche d’elle.
Paul s’arrêta de parler, regarda dans le vide, puis but son verre. Il quitta alors les deux filles.
- Pourquoi il nous laisse ? Je veux connaître la suite ! s’exclama Francesca dépitée.
- Il est tracassé.
Elizabeth sourit et avoua qu’elle connaissait ce qu’il pouvait ressentir. Elle repensa alors à Adam et à sa « cousine ».
La fête se passa à merveille. Quand Jeanne ouvrit le cadeau d’Elizabeth, elle éclata de rire. Seule elle pouvait comprendre son sens. Elle passa une partie de la soirée à remercier son amie. Francesca voulait comprendre pourquoi le cadeau était si important mais Elizabeth lui répondit :
- C’est secret.

Elles rentrèrent vers une heure du matin et s’endormirent comme une masse.
Vers quatre heures du matin, Elizabeth entendit du bruit. Quelqu’un lançait des cailloux contre sa vitre. Elle ouvrit alors la fenêtre et reçut un caillou sur le front.
- Aïe ! Mais ça ne va pas bien !
- C’est moi.
Elizabeth cligna ses yeux pour les réveiller. Elle vit alors Connor soutenir Louise. Sans réfléchir, elle sortit dans le jardin pour les rejoindre. Connor portait Louise dans ses bras, endormie.
- Qu’est-ce qu’il y a ? Elle a trop bu ? C’est ça ?
Connor ne répondit rien et commença à avancer vers la porte d’entrée.
- Connor ! Réponds-moi !
- Aide moi à la mettre au lit d’abord.
Elizabeth s’exécuta. Elle essaya d’enlever tous les moindres obstacles qui pouvaient entraver le passage de Connor. Une fois, Louise mise au lit, Elizabeth la regarda. Sa lèvre était coupée, sa joue commençait à enfler. Elizabeth commença à avoir les larmes aux yeux.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
- As-tu de la pommade ? On devrait lui en mettre sur sa joue.
- Dans les toilettes, sur l‘étagère à gauche. Ne fais pas de bruit !
Une fois Connor partit, Elizabeth remit des mèches de cheveux autour de l’oreille de sa sœur.
- Louise. Qui t’a fait ça ? demanda-t’elle en soupirant, sans attendre de réponse.
Connor fit du bruit avec la porte pour signaler sa présence. Le reflet de la lune lui éclairait une partie du visage. Son œil droit commençait à enfler. Il envoya la pommade à Elizabeth et sortit. Après avoir soigner sa sœur, elle réalisa qu’il ne lui avait rien raconté. Doucement, elle courra le rattraper. Il avait déjà dépassé le portail quand elle l’arrêta.
- Connor, l’interpella-t’elle essoufflée. Merci de l’avoir ramené.
Il fit un signe de la tête et commença à marcher. Elle lui prit son bras pour l’empêcher de continuer.
- Tu ne m’as pas dit pourquoi elle…
Son œil avait doublé de volume.
- Vous étiez dans cet état.
Connor inspira, réfléchit un moment et raconta la mésaventure que sa sœur avait subi ce soir-là. Après avoir consommé trop d’alcool, Brice et quelques amis à lui ont voulu abuser de Louise.
Connor ne dit rien de plus mais Elizabeth comprit qu’il s’était battu pour sauver sa sœur. Elle ne pouvait pas croire ce qu’elle venait d’entendre. Sa sœur. Sa petite sœur. Abusée. Elle éclata alors en larmes. Connor ne savait pas quoi faire. Il lui tapota alors sur l’épaule pour la consoler mais elle le prit par la nuque et l‘enlaça. Il avait sauvé sa sœur.
- Merci.
Ils restèrent ainsi, le temps des sanglots d'Elizabeth.

10

Louise évitait de sortir le plus possible de sa chambre suite à la soirée. Les rares fois où sa famille la voyait étaient lors des repas. Du moins, quand Elizabeth ne venait pas lui apporter son repas dans sa chambre. Ses parents s’inquiétaient au sujet des bleus. Ils avaient demandé à leur fille aînée ce qu’il s’était passé mais Elizabeth préférait que ça soit Louise qui le leur dise. De plus, elle ne savait que la version de Connor. Chaque fois qu’elle rentrait dans sa chambre, Louise était assise sur son lit, le regard vide. Elle ne lui parlait pas. Elle ne la regardait pas. Elle ne souriait pas. Elizabeth n’avait jamais vu sa sœur cet état. Elle ne pouvait que pleurer après cela. Pour essayer de penser à autre chose, elle faisait de longues promenades en compagnie de Francesca. Elles allaient le moins possible en ville aussi. Elizabeth ne voulait pas croiser Brice. Elle ne savait pas ce qu’elle pourrait lui faire si elle le voyait.
- C’est bien ce qu’a fait Connor, avoua Francesca après un quart d’heure de silence.
Elizabeth acquiesça en silence. Elle ne savait pas si elle devait parler de l’histoire avec son amie. Francesca lui demanda si elle voulait en discuter mais Elizabeth refusa. Elle préférait que Louise dénoue sa langue avant.
Plusieurs jours passèrent avant que Louise osa dire un mot. Ce fut un soir après le dîner, elle raconta tout à sa sœur, comment Brice l’avait fait boire, comment il l’emmena dans un lieu de la maison. Elle ne dit aucun mot au sujet de Connor. C’était le trou noir mais quelques flash lui étaient apparus. Elle se sentait sale et honteuse. Durant son aveu, elle n’osait regarder sa sœur de peur d’être jugée. Mais Elizabeth ne pouvait faire cela. C’était sa petite sœur. Elle l’a pris dans ses bras et la consola tandis que Louise laissait échapper toutes les larmes qu‘elle retenait depuis l’incident.
Après cela, l’atmosphère de la maison s’apaisa et l’on put reprendre une activité normale. Le séjour de Francesca se finissait dans une semaine et Mr Seuret allait partir en voyage pour une affaire quelque peu urgente. Tout le monde s’agitait. Il fallait que Francesca profite de sa dernière semaine au maximum. Louise recommença à voir ses amies, mais n'allait pas en ville. Elizabeth alla voir Jeanne avant qu’elle parte pour la capitale. Mme Seuret essayait de ranger au maximum la maison afin qu’elle paraisse nette. Tous étaient occupés. Francesca voulut faire le tour de la ville une dernière fois. Elizabeth accepta avec réticence.
- Je ne veux pas voir Brice. Évite d’aller à la chocolaterie, d’accord ?
- Et la librairie ? Je peux ? demanda Francesca avec le sourire en coin.
- Mouais.
Mais ce jour-là, elles n’allèrent pas voir Mr Aubert. Elles le croisèrent seulement en revenant à Garance. Ils parlaient des dernières nouvelles, des derniers romans. A aucun moment ils abordèrent le sujet "Connor". Elizabeth avait pourtant envie d’avoir de ses nouvelles mais elle ne voulait pas que Francesca se pose des questions ensuite. Heureusement pour elle, cette dernière posa la fameuse question :
- Monsieur. Comment va Connor ?
Le librairie semblait gêné.
- Il a dû repartir chez lui à la hâte.
Elizabeth le regarda stupéfaite. Elle demanda pourquoi mais Mr Aubert donna l’impression d’être embarrassé. Il répondit qu’il avait une affaire urgente à régler. Les jeunes filles le regardèrent s’en aller en courant presque.
- Étrange.
Des tas de questions surgissent alors dans la tête d’Elizabeth. Pourquoi Connor était-il parti comme ça ? Est-ce à cause de la bagarre ? A cause d’elle ? Elle espérait que la cause de son départ était due au problème entre ses parents. Elizabeth était du genre à se faire une montagne pour un rien. Elle ne dormit pas de la nuit. Elle se questionnait au sujet du départ précipité de Connor. La mésaventure de Louise avait bouleversé son quotidien. Est-ce que tout allait revenir à la normale à la rentrée ? Elle plongea dans un sommeil profond au moment où le soleil se leva. Dans les alentours de 10h, elle se leva avec une migraine. Francesca préparait ses valises en douceur. Elle ne voulait réveiller son amie.
- Tu prépares tout déjà.
- Mon train part cet après-midi.
Elizabeth se leva et serra Francesca dans ses bras.
- Tu vas me manquer. Tu m’as tellement aidé.
- Je n’ai rien fait de spécial tu sais.
- Seulement soutenue.
Francesca partit vers 15h. Elizabeth se sentit soudain seule, malgré la présence de sa famille. Elle alla aider sa mère à la cuisine mais le cœur n’y était pas. Tout ce qu’elle voulait, c’est que l’été se termine le plus vite possible afin d’avoir d’autres soucis en tête.
Les jours qui suivirent le départ de Francesca passèrent doucement. Elizabeth passa quelques jours chez Dounia mais ne vit pas Adam. Son amie lui apprit qu’elle était tombée amoureuse d’un dénommé Sven. Adam l‘avait connu lors de son séjour en Laponie. Selon lui, il fallait beaucoup discuter avec Sven avant de vraiment le connaître. Dounia avait mis des semaines avant de bien parler avec lui. Mais la gentillesse de la jeune femme plut à cet homme du grand froid. Adam n’en revint pas avec quelle rapidité Sven s’était ouvert et selon lui, il n’était pas indifférent aux charmes de Dounia. Cette dernière était ravie.
- J’attend seulement qu’il montre qu’il tient vraiment à moi. Adam n’est pas Mme Soleil. Il ne peut pas savoir si Sven m’aime vraiment beaucoup.
- Mais selon lui, Sven n’est jamais comme ça avec les autres.
- Je sais. Mais je ne veux pas me montrer… comme je l’ai fait une fois.
Elizabeth regarda son amie se lever et lui tourner le dos.
- Je ne te l’ai jamais dit.
- Dit quoi ?
- Avant que je connaisse Sven, j’ai été…
Dounia s’interrompit et soupira.
- J’ai aimé Adam.
Elizabeth ne sut plus quoi répondre. C’était comme si un couteau lui avait poignardé son cœur. Sa meilleure amie…
- Il ne l’a jamais su.
- Comment as-tu pu ?
Elle sentit les larmes couler sur ses joues.
- Dounia ! Je te faisais confiance !!
- Tu crois que je ne m’en veux pas ? Il y a un mois, au bord du ruisseau, je voulais tout t’avouer, mais j’en fus incapable ! J’ai été lâche ! Tu comprends ?
Elizabeth n’avait jamais vu son amie dans cet état. Elle vit qu’elle s’en voulait terriblement. Elle décida de passer outre, surtout qu’elle avait Sven maintenant.
- C’est du passé, répondit-elle en essuyant ses larmes.
Mais elle savait qu’une part de sa confiance envers Dounia avait disparu.

11

Plusieurs mois étaient passés depuis l’été. Les cours avaient repris, les élèves étaient toujours les mêmes. Le roman de l’été était terminé pour Elizabeth. Elle voulait avoir un nouveau départ. Surtout depuis qu’elle avait appris qu’Adam et la sœur de Bruno, Hélène, étaient ensemble. Mais on aurait dit que pour elle, la page Adam était bel et bien tournée, aussi. Elle voyait la vie avec un nouveau regard. Tout ce qu’il s’était passé durant l’été l’avait changé. Elle avait rencontré quelque d’autre, elle avait parlé avec Adam, l’incident de sa sœur, toutes les choses qui s’étaient passées l’avait transformé. De plus, elle pensait avoir quelques sentiments pour Connor, mais elle ne voulait se l’avouer de peur d’être comme elle était avec Adam. Elle ne voulait plus aimer quelqu’un quand ce n’était pas réciproque. Elle osa en parler qu’à Dounia et Jeanne. Et encore… elle leur disait seulement qu’en fin de compte, il était gentil. Rien de plus.
Concernant Dounia, Sven était reparti dans son pays. Elle n’avait plus de nouvelles de lui. Mais elle l’espérait toujours. Il ne lui avait même pas donné son adresse et ne lui écrivait pas. Elizabeth pouvait comprendre la frustration de son amie. C’était le même sentiment qu’elle éprouvait concernant Connor. Mais elle ne voulait pas se le dire.
Louise était rentrée au lycée, mais ses parents ayant trop peur des rumeurs concernant l’attaque, l’envoyèrent en pension. Cela n’avait pas gêné Louise au début, mais quand elle apprit que l’école n’était pas mixte, elle piqua une crise. « Oui ! C’est honteux ! A quelle époque sommes-nous ?! » Voilà ce qu’Elizabeth entendit chaque jour jusqu’à la rentrée. Mais Louise avait beau se plaindre, son inscription était déjà faite. Elle pensait qu’on la punissait alors que c’était elle la victime. Ses parents voyaient cela d’un autre œil. Ils voulaient protéger leur fille cadette avant tout.
Les mois passèrent à vive allure. Elizabeth n’avait pas vu passer l’automne que l’hiver était déjà installé. Elle aimait l’hiver, la neige, l’odeur du froid, la beauté des paysages sous la neige. Tout devenait beau. Même un tas d’ordures sous la neige paraissait beau. La neige avait ce don de tout rendre propre, lisse, parfait. Que ce soit en plein jour ou quand il faisait nuit, avec elle, on pouvait voir la beauté de la nature. Elle cachait ce que l’Homme avait transformé. La nature se dévoilait. Oui, Elizabeth aimait l’hiver mais détestait un autre aspect de cette saison : le froid. Elle détestait enfiler des couches de vêtements pour ne pas être congelée dès qu’elle franchirait le pas de la porte. Elle trouvait qu’elle ressemblait à un bibendum. Elle détestait marcher doucement pour ne pas glisser sur la neige qui avait gelé. Une fois, elle a cru que son heure était arrivée. Elle descendait, lentement pourtant, un virage pentu et gelé. Elle ne sait pas comment elle a fait, mais au moment de poser l’autre pied elle se sentit partir en avant. Par chance, elle s’était arrêtée un mètre plus bas, debout. Depuis ce jour, elle marche à deux à l’heure sur la neige gelée. Tout en regardant le sol. Ce jour-ci la neige fut pour elle une chance. Comme elle ne regardait en face d’elle, elle bouscula quelqu’un.
- Tu aurais pu faire attention !!
- Connor !
La neige avait ramené son irlandais. Elle n’avait pas cessé de penser à lui sans se l’avouer. Son départ précipité avait changé ses sentiments. Elle n’aurait jamais pensé qu’il allait lui manquer autant. Le voir était inconcevable. Elle aurait voulu le serrer dans ses bras pour se prouver que ce n’était pas un rêve.
- Que fais-tu dans le coin ?
Elle aurait voulu lui demander pourquoi il était parti sans la prévenir, sans lui dire au revoir.
- Je suis venu pour les vacances. Pour aider mon oncle à la librairie.
Cette rencontre était tellement étrange. Tout deux ne savaient pas quoi dire. Connor gardait ses mains dans ses poches, tandis qu’Elizabeth chassait la neige du sol avec son pied.
- Bon. Je dois y aller.
- Moi aussi.
- Salut.
Ils partirent chacun de leur côté sans s’adresser un regard. Elizabeth n’arrivait toujours pas à le croire. Connor était de retour. Connor.
La neige devint alors encore plus belle qu’elle ne l’était avant. Elizabeth osa jeter un regard en arrière pour voir la silhouette de Connor partir sous la neige. Mais il n’était pas parti. Il la regardait fixement sans sourire, comme à son habitude. Les joues d’Elizabeth s’empourprèrent. Elle tourna de nouveau sa tête et continua son chemin.

Les jours passèrent et Elizabeth ne cessa de penser à sa rencontre sous la neige. Connor. Ce nom raisonna sans cesse dans sa tête. Connor. Il l’énervait tellement. Si mystérieux, si froid, si lui. Il la faisait rêver.
- C’est normal, pensa-t’elle. Les filles aiment les hommes plein de mystère. Ridicule !
Elle en avait assez de ce sentiment. Elle était partagée entre sa joie de le retrouver et son énervement contre la personne même. Connor et son sourire absent. Connor et ses sautes d’humeur. Connor et sa bravoure. En plus, il ne la faisait pas rire. Le comble !
- Il faut que j’aille le voir.
Elle se hâta de se préparer quand sa mère frappa à la porte.
- Quelqu’un veut te voir. Il t’attend en bas.
« Il » ? Connor ? Connor était en bas ? Elle descendit les escaliers à toute allure, abordant un énorme sourire qui s’effaça rapidement.
- Adam. Que fais-tu là ?
Autrefois, elle aurait été la fille la plus heureuse au monde.
- Je voudrais te demander quelque chose. On peut faire un tour ?
- Oui. Bien sûr.
Elizabeth s’habilla chaudement et sortit de la maison.
- Que veux-tu me demander ?
- Heu… c’est assez particulier.
- Dis toujours.
- Ca concerne… Hum… Non. C’est ridicule. Oublie.
Il commença à partir quand Elizabeth l’attrapa par le bras pour le stopper.
- S’il te plait. Dis-moi.
- C’est à propos de Connor.
Connor ? Adam lui parlait de Connor ? Serait-il jaloux ? C’était bien le moment. Maintenant qu’elle l’avait oublié, Adam devait être jaloux.
- Heu… Oui ?
- Il a quelqu’un dans sa vie ?
Retournement de situation. Adam était attiré par Connor ? Cela expliquait beaucoup de choses.
- Ouah ! Heu… Je n’sais pas. Pourquoi ?
- Je voulais savoir si je devais m’inquiéter.
S’inquiéter ? Adam n’était pas attiré par Connor.
- T’inquiéter ? De quoi ? Qu’il te tourne autour ?
- Non, répondit Adam en rigolant. On dirait qu’il se rapproche de plus en plus de…
Puis il s’arrêta. On aurait dit qu’il ne voulait pas trop dire de choses. Après tout, c’était normal. Ils n’avaient jamais vraiment parlé. Elizabeth ne connaissait rien de sa vie. Du moins, par lui. Tout ce qu’elle savait venait de Dounia.
- Mais de qui se rapproche Connor ? De moi ? pensa-t’elle.
- Heu… de personne.
- Adam ! S’il te plait ! Tu en dis trop à chaque fois puis tu t’arrêtes. Ca m’énerve.
- Ok, ok. Hum… en fait… il y a une nouvelle en ville. Elle me plait bien.
Et voilà ! Une nouvelle ! Il faut toujours que les nouveaux se fassent remarquer.
- C’est vraiment bizarre de parler de ça avec toi, ajouta-t’il. Mais bon… donc une nouvelle. Et j’ai vu Connor lui parler à la librairie.
- A la librairie ?
Elizabeth pensa alors que les humains étaient vraiment ridicules quand ils étaient amoureux.
- Heu… Adam. Connor travaille à la librairie durant les vacances. Il vend des livres, il parle aux clients.
- Je sais ! Mais ils rigolaient ensemble ! Lui était penché sur le comptoir et bavardaient avec elle.
Connor ? Rigoler ? Elizabeth devint à son tour jalouse. Jamais il n’avait fait cela avec elle. Son énervement contre Connor revint. Comment pouvait-il se jouer d’elle de la sorte ?
Elle regarda Adam furieusement et prit la direction de la ville en laissant son ancien amour seul, sans ses réponses.

Elle poussa la porte de la librairie avec violence que des livres posés à côté tombèrent.
Connor était là, feuilletant un livre sur le comptoir.
- Non mais c’est quoi ton problème ?! s’exclama Elizabeth les poings sur les hanches.
Son attitude surprit Connor.
- Heu… bonjour tout d’abord.
Il sauta à terre, referma le livre et passa de l’autre côté du comptoir.
- Que puis-je pour toi ? Je crois qu’aucune de tes commandes n’est arrivée. Désolé.
Narquois. Il est narquois et désinvolte ! Elle détestait cela. Cela la mettait encore plus en colère. Mais l’attirait en même temps.
- Non mais j’y crois pas !!
Connor haussa les sourcils. Il ne comprenait rien. En même temps, c’était logique. Quelqu’un qui vous crie dessus comme cela peut être assez troublant.
- J’aimerais que tu m’expliques.
- Que je t’explique ? Que je t’explique ? Ah ça c’est la meilleur !!
Elizabeth se trouva ridicule mais elle ne pouvait arrêter. Sa colère était tellement intense qu’elle la transformait.
- Tu joues avec moi depuis le début !
C’est alors que Connor rigola. Malheureusement pour lui. Elizabeth, choquée, prit la pile de livres qui se trouvait à côté d’elle et commença à jeter les livres sur Connor un par un. Il essaya de les éviter mais en reçut quelques uns sur la tête.
- T’es folle ma parole !
- Folle moi ?!
Et elle recommença à jeter d’autres livres. Puis sortit de la librairie en courant. C’en était trop. Peut-être avait-il raison. Elle devenait folle. Mais ce qu’il ne savait pas, c’est qu’il en était la cause.